\'J\'avais fait remplir un flacon d\'acide chlorhydrique, et je le gardais sur moi en permanence, avec l\'idée de le jeter un jour à la gueule de quelqu\'un.
Jean-Philippe Toussaint.
Non, je ne crois pas, Marie, et, de la main, sans la quitter des yeux, je caressais doucement la courbe évasée du flacon de verre dans la poche de ma veste\'.
Non, je ne crois pas, lui disais-je avec un gentil sourire de dénégation.
Ou dans sa gueule à elle, dans son visage en pleurs depuis tant de semaines.
Mais Marie se demandait, avec une inquiétude peut-être justifiée, si ce n\'était pas dans mes yeux à moi dans mon propre regard, que cet acide finirait.
Je me sentais curieusement apaisé depuis que je m\'étais procuré ce flacon de liquide ambré et corrosif, qui pimentait mes heures et acérait mes pensées.
Il me suffirait d\'ouvrir le flacon, un flacon transparent qui avait contenu auparavant de l\'eau oxygénée, de viser les yeux et de m\'enfuir. \'J\'avais fait remplir un flacon d\'acide chlorhydrique, et je le gardais sur moi en permanence, avec l\'idée de le jeter un jour à la gueule de quelqu\'un